Sauver des vies en traquant des cellules piégées dans le temps
L’oncologue ne tourne pas autour du pot. « Je traite des patients qui sont atteints de ces tumeurs et ces tumeurs sont souvent létales » dit-elle.
Pour vaincre un ennemi qui semble surgir de nulle part dans le corps des jeunes, la docteure et son laboratoire de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill doivent apprendre tout ce qu’ils peuvent sur son origine. Ils testent présentement l’hypothèse selon laquelle ces tumeurs cérébrales seraient des anomalies du développement au stade prénatal. Les cellules resteraient donc coincées à ce moment du développement du cerveau pour ensuite devenir cancéreuses des années plus tard. Le but est donc de savoir ce qui anime ces tumeurs, comment mieux les traiter et leur relation avec le développement normal du cerveau.
Comprendre les tumeurs prend toutefois beaucoup de données. Les cellules de l’embryon subissent de nombreux changements, et trouver le stade de développement exact qui correspond à une tumeur demande un certain travail de recherche. C’est pourquoi l’équipe de biologistes moléculaires, de biochimistes et de généticiens de la Dre Jabado a séquencé d’innombrables cellules cérébrales et cellules tumorales de patients, retraçant les lignées tumorales, construisant des modèles basés sur des souris et des drosophiles, et examinant tout le matériel génétique possible : exomes, transcriptomes, génomes, cellules et ARN. « Tout ce que vous pouvez imaginer pour interroger le génome et [ce qui influence le génome], on le fait », déclare la docteure.
C’est là que les ressources de la fédération Calcul Canada entrent en jeu. Ils offrent un endroit où mettre les données, mais aussi pour pouvoir les analyser, les partager et faire en sorte qu’elles mûrissent et qu’elle profite à un grand nombre de gens. « Sans cette infrastructure, nous n’aurions aucun moyen de stocker et de donner un sens aux données », explique la Dre Jabado.
Déjà, en collaboration avec la Dre Claudia Kleinman, professeure adjointe de génétique humaine à l’Université McGill et chercheuse principale à l’Institut Lady Davis pour la recherche médicale de l’Hôpital général juif, et le Dr Michael Taylor, neurochirurgien pédiatrique et chercheur principal à The Hospital for Sick Children à Toronto, ce travail a permis à son équipe de découvrir des mutations dans des gènes que personne n’imaginait, soit un nouveau mécanisme d’oncogenèse (le processus complexe par lequel des cellules normales deviennent cancéreuses).
« On est en train de créer la pierre de Rosette pour voir qu’est-ce que ce mécanisme est en train de faire aux cellules tumorales ». Le mécanisme semble également apparaître dans des processus au-delà du cerveau, ce qui signifie que les bénéfices de cette recherche pourraient dépasser quelques types de cancer du cerveau chez les enfants et les jeunes adultes. « On a aussi découvert […] une classification des tumeurs du cerveau qui est beaucoup plus précise », ajoute la professeure de McGill. Ces découvertes permettront des thérapies ciblées qui seront données beaucoup plus fréquemment et de manière à avoir le plus d’impact. « Pour que ça marche pour tout le monde et pas dans un cas sur dix, et encore là. »
La génomique est très importante pour savoir dans les cancers et dans certaines maladies dégénératives où sont les failles, où sont les vulnérabilités, comment c’est venu, comment les prévenir ou les traiter. Elle aide les chercheurs comme la Dre Jabado à découvrir au fur et à mesure les maladies à leur naissance et les traiter avant qu’elles deviennent un problème.
Selon la Dre Jabado, les plateformes comme la plateforme nationale de calcul informatique de pointe, qui permettent à la communauté de la recherche du pays et du monde entier de partager des données et les méthodes pour les analyser, sont le fondement de toute la génomique. « Chaque donnée ajoute une pièce du puzzle », dit-elle.
« C’est un bijou. »